Un historique rapide de la bande dessinée.
La bande dessinée est un média relativement ancien. Il est couramment admis que le « père » de la bande dessinée est le suisse Rodolphe Töppfer, mort en 1846. C'est ainsi le premier à réaliser des dessins dans des cases et à jouer avec l'interdépendance texte/image, même si le texte en question ne prend pas encore place dans des phylactères, ou bulles. Conscient d'être en train de créer un nouveau mode d'expression, il en donne une première définition: « elle est d'une nature mixte et se compose d'une série de dessins au trait, chacun de ces dessins est accompagné d'une ou deux lignes de texte. Le dessin sans ce texte n'aurait qu'une signification obscure; le texte sans le dessin ne signifierait rien ». Les phylactères ne sont pas encore présents, mais l'interdépendance texte/image est déjà posée: ce sont les balbutiements de la bande dessinée telle que nous la connaissons aujourd'hui, et que Will Eisner, grand auteur new-yorkais de comics et théoricien respecté de son art, définit de la façon suivant: pour lui, la bande dessinée est un « art séquentiel ». A partir de cette définition pour le moins lapidaire, Scott Mc Cloud, dans son célèbre essai l'Art Invisible expliquant sous forme de bande dessinée les mécanismes de ce média particulier, élabore en 1993 une définition plus précise: « images picturales et autres, volontairement juxtaposées en séquences, destinées à transmettre des informations et/ou à provoquer une réaction esthétique chez le lecteur ». Si on se cantonne à ces seules définitions, les racines de la bande dessinée sont à chercher à des époques bien plus reculées que le XIXème siècle de Töppfer: on peut citer en exemple les peintures égyptiennes, répondant la plupart du temps à de tels critères (à ne pas confondre avec les hiéroglyphes, qui ne constituent qu'un alphabet se rapportant à des sons). Plus proche de nous, au moyen-age, il ne faut pas oublier la tapisserie de Bayeux: celle-ci, longue de 70m, relate la conquête de l'Angleterre par les normands de Guillaume le Conquérant en 1066. Les différents épisodes de cette conquête y figurent chronologiquement, et se lisent de gauche à droite.
Le terme « bande dessinée »,en revanche, est récent: jusqu'à la fin des années 50, le public parlait plus volontiers d'illustrés. Le terme « bandes dessinées » n'apparait que dans les années 40. Il vient des Etats-Unis, de l'anglais « comic strip », ou beaucoup de gags en une bande, comme par exemple Male Call, série patriotique de Milton Caniff, paraissent dans la presse, sous forme de feuilletons. En France, par contre, les auteurs travaillent à la planche et non à la bande, ce qui explique l'adoption tardive de ce terme.
C'est de toutes façons aux Etats-Unis que la bande dessinée éclate et se diffuse vraiment, par le biais de la presse: The Yellow Kid, de Richard Felton Outcault, est la première série publiée sous cette forme en 1896. C'est dans cette bande dessinée qu'apparaissent pour la première fois les phylactères, mieux connus sous le nom de bulles ou ballons. L'engouement autour de cette publication est tel que cette pratique se généralise. Le succès de ces comic strips publiés dans les journaux ne se dément pas, même si ce sont des oeuvres qui, de par leur support, s'adressent aux adultes et non aux enfants, ce qui constitue une particularité par rapport à l'Europe, comme nous le verrons par la suite. La bande dessinée d'outre-atlantique continue ensuite à se développer dans les « comic books », petits fascicules d'une trentaine de pages. Superman, héros emblématique, y voit par exemple le jour en 1938.
Pendant ce temps en Europe, c'est dans les revues pour enfants, très conservatrices (on peut prendre pour exemple le célèbre Petit Vingtième, supplément pour la jeunesse du très catholique journal belge Le Vingtième Siècle, dans lequel Tintin apparaît en 1929) , que la bande dessinée se développe timidement. On peut ainsi citer Tintin d'Hergé, bien sûr, mais aussi Zig et Puce, d'Alain Saint-Ogan, première oeuvre européenne à oser s'affranchir dès 1925 du texte sous l'image, jugé alors plus sérieux, au profit des bulles.
Dans les années 1930, les comics américains envahissent la France: malgré une traduction fortement édulcorée pour s'adapter au jeune public, elle reste vive, nerveuse, audacieuse, et ne tarde pas à balayer les productions françaises de l'époque, jugée trop mièvres. En réaction, les auteurs européens essayent de produire des oeuvres de meilleure qualité, capables de rivaliser avec cette vague. C'est à cette période, dès 1929, qu'apparait Tintin en Belgique. La création d'Hergé, qui connait rapidement un succès international, constitue un électrochoc qui va considérablement et durablement influencer la bande dessinée européenne, que ce soit au niveau graphique (la célèbre « ligne claire » d'Hergé, caractérisée notamment par des dessins aux contours réguliers et des couleurs en aplats, qui inspire de nombreux auteurs comme E.P Jacobs, le père de Blake et Mortimer) ou au niveau narratif. Il amène ainsi deux éléments nouveaux: tout d'abord un scénario bâti de bout en bout. En effet, même si les premiers albums (de Tintin au Pays des Soviets à Tintin au Congo) sont constitués de saynètes relativement indépendantes et juxtaposées, le ton change à partir du diptyque que forment Les Cigares du Pharaon et Le Lotus Bleu: le récit est construit, élaboré, ce qui est étroitement lié au deuxième apport d'Hergé à la bande dessinée franco-belge, à savoir la recherche d'une documentation précise: ainsi sa rencontre avec le jeune étudiant chinois Tchang Tchong-Jen le pousse à se documenter pour ses scénarios. C'est la raison pour laquelle le Lotus Bleu n'est pas, à la différence de Tintin au Congo ( album sulfureux, encore catalogué aujourd'hui comme un pamphlet raciste en faveur de la colonisation, sans tenir compte du contexte de la parution)ou Tintin en Amérique, un amas de stéréotypes typiques des préjugés et des idées reçues de l'époque, mais une oeuvre beaucoup plus moderne, reflétant les tensions de l'époque entre la Chine et le Japon, et dénonçant le racisme des européens vis à vis des chinois, tout en n'oubliant pas de distraire les jeunes lecteurs. Cela marque une rupture franche avec le reste de la production de bandes dessinées pour la jeunesse mais aussi et surtout avec les oeuvres de jeunesse d'Hergé. Le succès de Tintin est considérable, et ne se dément toujours pas (voir la luxueuse adaptation de Steven Spielberg sortie dans les salles obscures en 2011). Ainsi, le Journal de Tintin commence à paraître en 1946 et publie des auteurs qui s'inspirent largement du « style Hergé »: Jacobs, bien sûr, mais aussi Jacques Martin (Alix), Jean Graton (Michel Vaillant), ou Tibet (Ric Hochet). En effet, à cette époque en Europe (essentiellement en France et en Belgique), la bande dessinée se diffuse essentiellement par le biais de la presse, comme aux Etats-Unis, et dans une bien moindre mesure par le biais d'albums cartonnés, bien plus onéreux. Cette pratique permet aux éditeurs de laisser plus facilement leur chance à de jeunes auteurs inconnus sans engager les frais importants qu'implique l'édition d'un album. Parmi ces publications « historiques », on peut citer Le Journal de Tintin, tout d'abord, axé sur la bande dessinée d'aventure, le belge Spirou, où le personnage du groom Spirou a vu le jour en 1938, bien sûr, plus centré sur l'humour, mais aussi l'hebdomadaire français Vaillant, ancêtre de Pif Gadget, édité par le parti communiste, qui publie les oeuvres d'Arnal (Pif le Chien), Tabary (Totoche), ou Gotlib (Gai-Luron).
Ces trois revues sont destinées à un public bien spécifique: les enfants, pour qui elles constituent une lecture récréative, vaguement méprisée par les parents et par les instituteurs, pour lesquels ces « illustrés » ne se rapprochent en rien de la « vraie » littérature. Cette tendance change radicalement dès 1959, avec la parution du magazine Pilote,fondé par les scénaristes René Goscinny et Jean-Michel Charlier et par le dessinateur Albert Uderzo. A cette époque, signe du dédain général vis à vis de cette forme de littérature, seul le dessinateur est rémunéré: aucun éditeur ne reconnaît l'existence des scénaristes. Charles Dupuis, éditeur du magazine Spirou, aimait à dire la chose suivante: « si un dessinateur veut s'offrir un scénariste, c'est son problème, pas le mien ». En réaction, les trois auteurs cités plus haut essayent de faire passer auprès des différents éditeurs une charte portant sur les droits d'auteur et les conditions de travail. En guise de représailles ils sont ostracisés par la profession. Ce n'est que quelques années plus tard qu'ils réussissent à financer et créer leur propre journal. La création de Pilote constitue une rupture majeure: s'adressant dans les premiers temps aux adolescents et non plus aux enfants, il évolue au même rythme que son lectorat, pour se tourner de plus en plus vers un public adulte. Attirant dans ses pages les auteurs les plus talentueux, comme Greg (Achille Talon), Gotlib (Rubrique-à-brac), Fred, Claire Brétécher, Jacques Tardi ou Enki Bilal, il donne à la bande dessinée française un de ses héros majeurs, Astérix, pour qui l'engouement est immédiat et considérable. Flattant le patriotisme français (la Seconde Guerre Mondiale n'est alors pas si éloignée et le parallèle entre l'occupation romaine combattue par les « résistants » du petit village des irréductibles gaulois telle qu'elle est présentée dans Astérix et la récente occupation allemande est transparente. Le général de Gaulle, lui-même, s'intéresse à ce phénomène, allant jusqu'à donner, dans un accès d'espièglerie, des noms en -ix à toutes les personnes présentes lors d'un conseil des ministres), cette bande dessinée, offrant grâce aux scénarios de René Goscinny plusieurs niveaux de lecture s'adresse à tous. Les enfants se passionnent pour les péripéties et autres gags, et les adolescents et les adultes comprennent les nombreuses références émaillant les albums, voire le sous-texte plus politique. On peut ainsi lire Astérix sans honte, ce qui n'était à l'époque pas vrai pour Tintin, bande dessinée destinée avant tout aux enfants, voire aux adolescents. Il n'y a que très peu de références ou d'implicite, politique ou non, dans Tintin (du moins pour les lecteurs lambdas. Les tintinophiles acharnés trouvent encore et toujours matière à thèses dans ces albums, mais on n'est ici plus dans le cadre d'une lecture « normale », accessible à tous) Par ailleurs, si Astérix est une bande dessinée de valeureux résistants, il ne faut pas oublier le fait qu'à l'issue de la guerre, Hergé a été catalogué comme un collaborateur, ce qui a donné à son oeuvre des relents de soufre.
C'est donc par le biais de Pilote que la bande dessinée, en France, commence à obtenir ses lettres de noblesse. En effet, son rédacteur en chef, René Goscinny, ne se contente pas de ramasser les lauriers du phénoménal succès critique et commercial qu'est Astérix. Il exhorte les auteurs à se considérer désormais comme tels, et non plus comme de simples dessinateurs marginaux d'illustrés pour la jeunesse. C'est notamment lui qui pousse les auteurs à assumer pleinement leurs oeuvres et à signer leurs planches, lui qui « impose » de nouveaux auteurs atypiques, comme Fred, dont la série Philémon laisse bon nombre de lecteurs perplexes et peine au début à trouver son public. Ca ne l'empêche pas aujourd'hui de figurer dans les listes d'oeuvres recommandées par le Ministère de l'Education Nationale pour l'école primaire. De la même manière, Goscinny, scénariste de métier au même titre que le second rédacteur en chef de Pilote, Charlier (auteur de séries d'aventures classiques, comme Buck Danny, Barbe Rouge ou Tanguy et Laverdure) place ce corps de métier sur un plan d'égalité avec les dessinateurs. Personne ne peut nier l'apport de Goscinny aux séries auxquelles il collabore, ni la personnalité de son travail. Depuis son décès en 1977, la baisse de qualité de ses oeuvres phares (Astérix et Lucky Luke) est flagrante. Albert Uderzo n'a pas su retrouver le style de Goscinny, et Astérix est aujourd'hui, au mieux, une simple série pour enfants. Les auteurs de bande dessinée, y compris les scénaristes, commencent donc à accéder au statut d'auteur, au même titre que les romanciers.
Pilote commence cependant à connaître des tensions internes en 1968. De nombreux auteurs phares quittent la revue pour créer leurs propres publications. Ainsi Claire Brétécher et Nikita Mandryka créent l'Echo des Savanes, Jean Giraud (également connu sous le nom de Moebius) et Druillet créent Métal Hurlant, et Marcel Gotlib et Alexis fondent Fluide Glacial. En 1978 est créé le magazine A Suivre. Proposant une bande dessinée plus proche de la littérature, qualifiée de « roman graphique », il libère les auteurs du carcan traditionnel de l'album de 44 planches, en les laissant produire des récits plus longs, et publie des auteurs étrangers, comme Milo Manara, ou Hugo Pratt, père du célèbre Corto Maltese. A cette période, la bande dessinée française a acquis une solide réputation internationale, et bon nombre d'auteurs étrangers vivent le fait d'être publiés en France comme une véritable consécration de leur travail. On peut considérer que la connotation négative de la bande dessinée, « sous- littérature" pour enfants ou adolescents incapables de lire de « vrais livres » (ce qui pose au passage la question de la définition du « vrai livre ». Même au sein de la catégorie des livres sans images, considérés largement supérieurs aux « illustrés », des ségrégations existent, vis à vis des polars ou de la fantasy par exemple. Nous sommes ici dans un domaine purement subjectif, ce qui rend toute catégorisation d'un point de vue de la « qualité littéraire » difficile, voire impossible) a été à ce moment transférée de la bande dessinée européenne à la bande dessinée américaine, marquée par la culture du super-héros en collants, puérile, détachée des réalités et réalisée de manière quasiment industrielle. De fait, aux Etats Unis, le culte de l'auteur n'existe pas: les personnages appartiennent aux maisons d'éditions et non aux auteurs, ce qui fait que le même personnage peut être confié simultanément à plusieurs dessinateurs, qui peuvent être remplacés purement et simplement quand leur travail ne satisfait plus les éditeurs. Cette vision est battue en brêche par l'arrivée de nouveaux auteurs qui osent bousculer ces héros, comme par exemple le scénariste anglais Alan Moore, qui, avec son comic Watchmen, en 1987, les fait tomber de leur piédestal. Il faut également citer Maus, du new yorkais Art Spiegelman, première bande dessinée à recevoir un prix Pulitzer en 1992. Les Etats Unis sont donc manifestement capables de produire des comics de qualité, pour un public adulte qui a grandi et évolué en même temps que ses héros. L'a priori négatif lié à la bande dessinée est ainsi transferé à la bande dessinée asiatique, et plus précisément aux mangas japonais. Pour beaucoup, la bande dessinée européenne est ainsi de loin supérieure artistiquement au manga, bande dessinée destinée à la distraction des masses, à faible coût, « jetable » après usage. Au delà du stéréotype, c'est bel et bien ce qui se passe au japon: la perception de la bande dessinée n'y est pas la même qu'en occident. Le manga « papier », étroitement lié au secteur de l'animation, ce qui n'est pas le cas ailleurs (hormis au sein de l'empire Disney, où les héros sont déclinés sur grand écran et sur papier par de grands auteurs « maison », comme Carl Barks, par exemple, créateur de Picsou en 1947), est un produit de grande consommation, réalisé très rapidement par des auteurs pourvus de batteries d'assistants. Bien souvent, le manga est d'ailleurs jeté après lecture, comme un vulgaire périodique, ce qui explique le peu de soin lié à son édition. C'est un petit ouvrage en noir et blanc (la couleur coûte cher), vendu à des tarifs modiques. Le japonais n'a pas cette culture du « livre-objet », comme en occident. Cela n'empêche pas la production d'oeuvres de qualité. On peut ainsi citer l'oeuvre de Hayao Miyazaki, dessinateur de mangas et réalisateur de films d'animation mondialement connu, qui fonde le studio Ghibli, ou celle de Jiro Taniguchi, qui réalise une oeuvre à tonalités autobiographiques (Le Journal de mon père, Quartier lointain), avant de collaborer avec Moebius (Icare, 2005).
La bande dessinée est un secteur qui explose réellement à partir des années 1980, que ce soit en terme de production comme en terme de vente, mais les habitudes des lecteurs européens changent: ils s'intéressent de moins en moins aux journaux proposant des histoires à suivre et de plus en plus aux albums. Moins patients qu'auparavant, ils préfèrent lire l'intégralité du récit immédiatement, sans attendre une semaine voire un mois. On peut également y voir un signe de valorisation de la bande dessinée, d'atténuation des complexes liés à cette forme de littérature: dans cette France qui a vu naitre les Lumières, l'objet « livre » conserve une place symbolique très importante: c'est une part du patrimoine culturel de son propriétaire, qu'il peut conserver, « exposer » dans une bibliothèque à la vue de tous, à la différence de la revue, fragile, éphémère et jetable après sa lecture. De la même manière, c'est le signe d'un vieillissement des lecteurs: l'album, plus couteux qu'une simple revue, est vraisemblablement acheté par un adulte, pour lui ou pour ses enfants, ce qui suppose que l'adulte en question considère que ses enfants peuvent lire des bandes dessinées. La frontière bande dessinée/ « vrai livre », stéréotype longtemps présent dans les familles s'estompe de plus en plus. La bande dessinée commence à être considérée comme une lecture relativement « saine », voire encouragée par des parents qui ont pu lire dans leur jeunesse les classiques que sont par exemple Tintin, Astérix ou Lucky Luke, et qui les mettent par la suite sans arrières pensées entre les mains de leurs propres enfants. La bande dessinée figure aujourd'hui parmi les meilleures ventes de l'édition française: à titre d'exemple, on peut donner les chiffres suivants pour l'année 2004: en tête, le roman de Dan Brown, Le Da Vinci Code (857000 exemplaires), suivi de près par Nadia se marie, la bande dessinée de Zep (835200 exemplaires), suivi par Sept Jours pour une éternité, l'oeuvre de Marc Lévy (473500 exemplaires), puis La Belle Province, le Lucky Luke commis par Laurent Gerra et Achdé (412400 exemplaires)1. Deux bandes dessinées sont ainsi présentes dans le peloton de tête, au côtés des best sellers de l'édition que sont Dan Brown ou Marc Lévy. Ce n'est pas anodin: la bande dessinée n'est aujourd'hui plus un genre marginal, le parent pauvre de ce que ses détracteurs qualifient de « vraie » littérature. Bien moins stigmatisée qu'auparavant, rendue attractive par l'omniprésence des dessins et surtout rapide et facile à lire (dans un monde moderne marqué par la culture du « zapping » et des séries TV, le fait de pouvoir venir à bout d'une oeuvre littéraire quasiment immédiatement est un atout non négligeable.), la bande dessinée est désormais un poids lourd de l'édition: Gilles Ratier, secrétaire de l'Association des Critiques et journalistes de Bande Dessinée, fait ainsi état de 2701 nouveautés en bandes dessinées pour l'année 2005, par exemple, dont 1142 mangas! La France constitue le deuxième marché du manga, après le Japon, et on assiste paradoxalement à une surabondance de nouveautés, même si les laboratoires de nouveaux talents que pouvaient être des magazines comme Pilote n'existent plus. Les éditeurs sont plus audacieux, n'hésitant pas à donner leur chance à de nouveaux auteurs, mais toute médaille a son revers: les énormes ventes liées au marché de la bande dessinée concernent essentiellement les « poids lourds » du secteur que sont par exemple Titeuf, Largo Winch, Astérix ou XIII. Noyées dans la masse, les nouveautés souffrent d'un manque flagrant de visibilité et bien souvent, la première chance accordée à un jeune auteur s'avère être aussi sa dernière chance: faute de ventes suffisantes, bon nombre de séries sont abandonnées en cours de route. La production d'un album coûte cher.
La bande dessinée, secteur à la mode, extrêmement rentable pour les éditeurs, profite d'une médiatisation relativement importante, notamment à travers le festival d'Angoulême, grand-messe annuelle d'un secteur en pleine extension, qui se déroule tous les ans en janvier depuis 1974. Ce grand rassemblement, marqué par l'omniprésence envahissante de sponsors tels que la FNAC ou la sncf est de plus en plus décrié par les auteurs, comme Lewis Trondheim, Grand Prix 2006 du festival et donc président de l'édition 20072.
2Voir à ce sujet la lettre ouverte de Lewis Trondheim: http://lecomptoirdelabd.blog.lemonde.fr/2012/03/09/angouleme-bleme-ou-angouleme-je-taime-par-lewis-trondheim/